Livakte-Camping, la culture ne chôme jamais…

Article : Livakte-Camping, la culture ne chôme jamais…
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10 novembre 2021

Livakte-Camping, la culture ne chôme jamais…

Crédit photo: ANA (atelier d’écriture, Jardin du livre, LIVAKTE)

C’est dans un pays cerné par la mafia et les gangs que j’ai rencontré Jacob Jean-Jacques, le responsable de marketing de l’équipe qui organise LIVAKTE. C’est la huitième édition, cette année, de “LIVAKTE Camping”, et je me demande s’il ne vaut pas mieux faire profil bas et rester à la maison comme la situation semble l’imposer. Les “Anapiens” (les membres de l’ANA) ne reculent pas aussi facilement devant les difficultés. (J’aurais dû m’en souvenir.) Et, à en croire Jacob ; même en temps de guerre, dans un pays, l’apprentissage et l’ouvrage de la culture ne doivent pas chômer. 

J’ai été invité à entrer à Petit-Goâve par la petite porte de derrière. Martissant devient, depuis quelque temps, une cour qu’on traverse sur le point des pieds pour ne pas courir le risque de réveiller les kidnappeurs qui font un somme entre deux viols et un enlèvement.

Pendant que le pays entier est plongé dans un chaos inédit, LIVAKTE, lui, se dessine doucement. Les invitations sont déjà lancées, les gens sortent leur tente du fond du garage et se préparent à aller camper au “Jardin du Livre”, dans la petite communauté de Marose, pas loin du grand étang de Miragoâne. Ils y camperont du 26 au 30 décembre.

Pour ceux-là qui se le demandent, le concept LIVAKTE, (en français “Livre-avec-thé”), est le résultat d’un devoir qui a été donné à un groupe de jeunes étudiants, à l’ANA (Atelier des Apprentis Narrateurs), en 2013. On leur avait demandé de penser à un projet culturel qui réunit les gens de la ville et ceux en milieu rural autour de la littérature et la nature.

Au début, l’activité se tenait seulement sur une journée. On passait la journée sur le Jardin du livre et en soirée, on se réfugiait à la Rue Enterrement pour le breuvage du thé, entre autres ambiances culturelles. Quelques années plus tard, soit en 2018, c’est devenu un camping, un rendez-vous incontournable à Petit-Goâve. Jacob avait souligné que l’idée du camping était celle d’une connaissance belge (du projet livres solidaires chez CARE Haïti) qui avait participé à la première édition de LIVAKTE : Mme Antoinette Deconnick. D’ailleurs, sur le jardin de LIVAKTE y flotte cette belle philosophie d’un esprit pur dans un corps pur.

Crrédit photo: ANA

Faut croire qu’en Haïti, en ce moment, le livre se fait rare, tandis que les armes y sont partout. Les plantes médicinales, ont toujours été présentes quelque part, un peu plus dans le milieu rural bien sûr. Dans l’absence de services publics de santé les paysans affrontent seuls, les maladies les plus courantes : une grippe, une fièvre bien souvent; privilégient le breuvage du thé régulièrement. Une véritable stratégie de prévention et de résistance face au système.

Le menu à “LIVAKTE Camping” cette année, est pas mal riche. On s’arrête au Jardin du livre, à l’occasion, pour s’amuser, rire, se faire un bilan de santé, un diagnostic de son état mental. Plus on est curieux, mieux c’est. On y trouve des foires; du livre, de la peinture, des plantes médicinales; des ateliers de réflexion, de lecture et d’écriture; courses à cheval et à pied, de l’excursion, entre autres activités culturelles, des jeux traditionnels haïtiens aussi, un peu plus tard dans la soirée, sous le ciel étoilé de noël. C’est ainsi que LIVAKTE resserre le lien entre gens de plusieurs catégories et classes sociales.

Créfit photo: ANA (exposition de peinture, Jardin du livre, LIVAKTE)

Ça n’en finit pas d’ailleurs. Dans la soirée du 29 décembre, LIVAKTE CAMPING annonce un grand défilé de mode. L’occasion pour AGUAVA (Une agence qui réunit mode, histoire et culture) de lancer un grand concours qui associera mode et littérature, sous le thème : « Dantan ». AGUAVA, c’est aussi l’ancien nom de Petit-Goâve et de Grand-Goâve du temps qu »elles étaient réunies. La mode qui entre dans une chambre d’histoire.

Crédit photo: Deewoy (Francesca Lamarre Badette, responsable d’AGUAVA, modèle)

Le “Jardin du livre”, pour faire un tour de sa petite histoire, est un espace réservé aussi à des projets bien plus ambitieux que ça. D’ailleurs, c’est un don de quelques paysans de la communauté de Marose à l’ANA, dans un premier temps, maintenant l’espace est à la disposition d’ENVIE (Les éditions Enfants du Village). La toute jeune édition peut en disposer pour ses activités tant qu’elle existe. Déjà à l’occasion de cette édition de LIVAKTE CAMPING, l’équipe de Livakte lance sa première coumbite de construction du premier studio de la résidence culturelle « Man Yeye » sur le Jardin du livre.

Jusque-là, on a discuté tranquillement, de LIVAKTE, Jacob et moi. Petit-Goâve semble être moins affectée par le contrôle des gangs pour ainsi dire. Elle n’échappe pas complètement à la crise pour autant. La ville venait de passer deux semaines sous le choc. Où tout le monde a dû presque s’enfermer à la maison. Les gens remettent à peine le pied dehors pour l’instant, encore un peu méfiants.

Cela ne change rien au plan, affirme Jacob. Comme d’habitude, des notables de la communauté de Marose tiendront une brigade pour affronter la nuit, qui fonctionnera à tour de rôle, lors de l’événement. Rien à voir à un groupe armé. On n’en est pas là, à Petit-Goâve.

Comme promis, la mission de “LIVAKTE Camping” suit son objectif : participer à la démocratisation de la culture dans un pays où il semble avoir une belle distance entre les gens de la ville et ceux de la campagne. LIVAKTE se propose d’être le pont qui mènera à une solution à ce problème sociétal.

Crédit photo: ANA (Jacob en train d’animer un atelier de lecture aux enfants)

Rien ne se fait par hasard à LIVAKTE. Cette année, les thèmes qui y seront discutés, dans les ateliers de réflexion, ne sont pas anodins: “Yon leta pòv nan yon peyi rich. (Un État pauvre dans un pays riche.)”; “Agresyon et asèlman seksyèl. (Agression et harcèlement sexuels.)”. Quoi qu’il se passe, l’équipe de LIVAKTE se donne à fond pour tenir le flambeau de la culture à Petit-Goâve. Ça me chagrine déjà de ne pas pouvoir passer noël à Petit-Goâve encore cette année.

« Jacob m’informe de son souci de réaliser la neuvième édition de LIVAKTE CAMPING internationale en me confiant des démarches qu’il commence à entretenir pour des partenariats avec des éléments pertinents du milieu universitaire du Brésil. »

Carlile Max Dominique Cérilia           

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Commentaires

Jacob JEAN-JACQUES
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Chapeau Dodo

Onyl Gedeon
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Très bon article

Laurent
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C'est immense !

Laurent
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C'est immense ! ANA, ENVIE, AGUAVA, LIVAKTE